Racisme, discrimination, stigmatisation… Derrière ces termes qui restent abstraits pour certains, il y a de réelles expériences de vie pour d’autres. Des expériences faites de rejets, d’injustices, de honte, de déceptions, d’incompréhensions et de rage.

La mort de George Floyd aux USA a provoqué un raz-de-marée de protestations à travers le monde. Sa mise à mort violente et abusive par un policier blanc vient s’ajouter à la longue liste des crimes raciaux qui entachent le drapeau américain. Toutes horribles que furent les dernières minutes de sa vie – dont les images ont été littéralement visionnées des millions de fois – on peut se demander pourquoi son décès a agi comme le catalyseur d’une mobilisation sans précédent. Sa mort, quelques semaines après celle d’Ahmed Arbery – lui aussi tué à cause de la couleur de sa peau – a-t-elle été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ? La pandémie mondiale a-t-elle resserré les liens d’une humanité qui se bat collectivement contre un virus invisible et qui soudain se trouve attaquée de l’intérieur : un homme qui en tue un autre ? Le confinement a-t-il braqué l’attention du plus grand nombre sur un fait-divers qui dans d’autres circonstances serait passé inaperçu ?

Après tout, les raisons qui ont déclenché cette prise de conscience  importent peu pourvu qu’elle ait enfin lieu. On exprime d’une même voix notre refus d’un système qui oppresse, dévalorise et incrimine des personnes à cause de la couleur de leur peau. Ce ne sont plus simplement les noirs qui s’indignent, mais bien tous ceux qui refusent de vivre dans une société où l’égalité de traitement n’est pas la norme.

On n’avait jamais vu ça : Des statues déboulonnées aux quatre coins du monde, des policiers qui s’agenouillent, des entreprises qui s’excusent en masse. Non on n’avait jamais vu ça, mais soyons réalistes ce mouvement finira par s’essouffler et les manifestations par s’arrêter. Mais la dynamique a bel et bien été lancée. A chacun de s’en saisir pour agir concrètement en faveur d’une société plus juste.

Retrouvez dans cet article comment vous pouvez, à votre échelle, faire barrage au racisme.

En s’éduquant  

Sun Tzu l’a maintes fois répété dans l’art de la guerre : pour combattre un ennemi, il faut le connaître. Savez-vous vraiment ce qu’est le racisme ? Quelles sont ses origines , ses manifestations et ses conséquences ?

On a souvent une idée vague de ce que c’est mais c’est important d’appréhender plus précisément la notion de racisme pour pouvoir l’identifier et y faire barrage. Le racisme n’est pas toujours évident à déceler.  Il peut se montrer sous la forme d’un geste, d’un comportement discret ou d’une parole insidieuse. Il aura pourtant la même racine qu’un acte grossier et puant qui ne saurait se fondre dans la masse. C’est la raison pour laquelle nous appelons chacun à s’instruire de quelque manière que ce soit. Vous pouvez lire un livre, regarder un film, un documentaire ou aller voir une exposition.

C’est primordial de s’instruire pour comprendre le monde qui nous entoure… mais aussi pour éviter de tomber dans l’écueil du racisme soi-même. Nul n’est à l’abri de commettre un acte ou de prononcer une parole raciste par ignorance. Certains abus de langage, blagues douteuses ou remarques à priori innocentes peuvent s’avérer insultantes pour une frange de la population.

En se regardant dans la glace 

Le racisme est présent au sein même de la communauté musulmane. Ce n’est pas en faisant l’autruche ou en niant le problème qu’on pourra le résoudre. Même si en Islam, la question du racisme est traitée sans équivoque dans le Coran aussi bien que la sounnah – qui bien sûr l’interdisent – les musulmans ne sont pourtant pas immunisés contre cette maladie loin s’en faut… Pour délier les langues et faire tomber les masques il en faut parfois peu : des sujets les plus futiles ( ne me lancez pas sur la coupe d’Afrique de nations ! ) aux questions d’adoration ( le sujet houleux des mariages mixtes). Dans un cas comme dans l’autre, ce sont les esprits chauvins qui s’échauffent.

On le sait pourtant bien : tribalisme, nationalisme et religion ne font pas bon ménage. Pour calmer ces têtes brulées, les plus naïfs joueront la  « carte Bilal ibn Rabah » illustre compagnon noir dont le prophète صلى الله عليه و سلم à entendu les pas le précéder au paradis. Est-ce seulement en prouvant que des figures noires comme Bilal – mais aussi Lûqman ou Zaid Ibn Haritah pour ne citer qu’eux – ont eu un rang important qu’on respectera les noirs musulmans ? Ou qu’on leur fera la faveur de les considérer comme des musulmans à part entière et non comme les invités d’une communauté qui se croit propriétaire d’une religion qui n’appartient qu’à Allah ? C’est peu probable…

C’est une réforme profonde qu’il faut entreprendre pour éviter de suivre les pas du diable… Car rappelons-nous que c’est bien lui le premier à s’être enflé d’orgueil pour s’être cru supérieur à un autre.

Le changement passe par l’éducation des jeunes et la remise en question bien plus compliquée des plus âgés. Favoriser la diversité pour une meilleure représentation dans les instances religieuses ou les associations est aussi un chantier qu’il faut entreprendre pour changer les mentalités. À bon entendeur…

En agissant

Le raciste a des complices silencieux : ceux qui ne le dénoncent ou ne l’arrête pas alors qu’ils le peuvent. C’est à cause de ce sentiment d’impunité que certains se croient tout permis et qu’ils continuent d’agir. Bah oui, si personne ne dit rien c’est que tout le monde est d’accord, je dis juste tout haut ce que ce les autres pensent tout bas. C’est sur ce type de raisonnement que s’appuient certains à tort ou à raison… C’est pourquoi chacun d’entre nous devrait s’y opposer fermement.

Au quotidien, nous sommes tous susceptibles d’être témoins d’une situation ou d’un comportement raciste. Sans se mettre en danger, il est bon d’agir selon ses capacités pour y faire barrage. Que l’auteur de ces faits soit un collègue, une grande tante ou même un parent, Il faut adapter son discours à la personne afin qu’elle comprenne ( si ce n’est pas déjà le cas) que ses propos ou son comportement ne sont pas tolérables.

Quand on est soi-même victime de racisme, il existe des moyens d’agir. Le dialogue est parfois la meilleure option mais il faut garder en tête que les propos racistes et les discriminations raciales sont interdits et punis par la loi. Malheureusement trop peu de plaintes aboutissent à de véritable sanctions, mais n’ont-elles pas aussi une valeur symbolique ? Porter plainte, même si les chances de succès sont maigres,  n’est-ce pas faire valoir son droit à la dignité ? N’est-ce pas signaler à l’auteur qu’il s’est rendu coupable ? N’est-ce pas le dissuader de réitérer son geste ?

Le chemin est encore long

 

La mort de George Floyd est l’étendard d’un combat aussi vieux que la révolte de Stono mais aussi actuel que les contrôles au faciès.

Dire que la condition noire n’a pas évoluée relève au mieux de l’ignorance et au pire de la calomnie. Il reste néanmoins un long chemin à parcourir avant que la couleur d’une personne ne soit plus synonyme d’exclusion, de discrimination voire de mort !

Dans combien de situation tantôt cocasses tantôt innommables un noir va-t-il se retrouver pour nul autre raison que la couleur de sa peau ? As-t-on conscience de la pression qui pèse sur les épaules d’une personne qui est constamment renvoyée à sa couleur de peau ? Et ce littéralement du berceau à la tombe ?

Comment tolérer qu’un enfant pleure parce que les parent de ses amis ne veulent pas qu’ils jouent avec un noir ? Comment accepter qu’un enseignant ne prenne pas au sérieux la chute d’un enfant parce « vous êtes solides vous » et qu’il termine avec plusieurs mois de plâtre ? Comment continuer de subir des paroles racistes d’un responsable de mosquée qui soutient que les noirs ne connaissent de l’Islam que la polygamie ? Comment accepter qu’un médecin passe la main dans les cheveux de votre gosse parce qu’il trouve la texture « trop marrante » ? Comment permettre qu’un responsable dise « c’est moi qui ai commencé à embaucher les gens comme vous » ?

Ces situations sont toutes des histoires réellement vécues qui méritent qu’on s’y arrêtent un instant. On vous l’accorde, elles sont tristement banales biens qu’inacceptables. Si elles vous heurtent d’une manière ou d’une autre alors agissez. Que ce soit sur vous-mêmes ou votre entourage. C’est la responsabilité de chacun de faire en sorte que toutes ces questions ne débutent plus par « Comment » mais par « Pourquoi ». C’est exactement ce qui est en train de se jouer en filigrane actuellement…. et auquel il nous appartient de prendre part.

Pour aller plus loin sur la question du racisme et des discriminations, voici quelques ressources sur le sujet.